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Dis  Père Noël, t’aurais pas un recycleur ?

C’est un essai tout à fait particulier que je vous propose ce mois-ci, car on pourrait comparer ma connaissance réelle du recycleur à celle du parfait néophyte.. avec tous les « à priori » qui vont avec… oh, bien sur, je savais que le recycleur avait pour but de « recycler » le mélange gazeux expiré, qu’il était question de « chaux » pour traiter ce mélange, qu’il y avait moins de bulles expiré et que c’était sûrement aussi dangereux et risqué à mes yeux que la plongée loisir pour le Terrien lambda qui n’aurait regardé que les films de Cousteau.

Particulier aussi car mon ami « Jean Jean » n’est pas de la partie cette fois-ci (le traitre était en vacances…). C’est donc accompagné de Pascal Chauvière qui, en plus d’être également un ami, est, entre autre, instructeur national et grand passionné de recycleur que nous avons effectués ces plongées .

Le recycleur et Pascal, c’est une longue histoire qui a débuté quand, fraîchement sorti avec succès de l’examen du MF 2 en 1979, un certain Pierre Vogel lui remettait, en cadeau, un superbe détendeur Alizé qui avait peut être fonctionné un jour… et un circuit fermé Cressi « presque » complet. De retour chez lui, il s’empressait de réparer l’Alizé (par la suite ses 4 enfants ont plongé avec !) et décidait de remettre en état ce circuit fermé (peut être pensait-il que c’était moins risqué que le détendeur…) et devint ainsi un passionné de ces drôles d’engins.

25 ans après ses débuts en recycleur, et après avoir essayé quasiment tout ce qui ce fait comme modèles, des militaires aux modèles totalement bricolés par de géniaux inventeurs passionnés il décidait, coûte que coûte, de transmettre le virus au fils de celui l’avait involontairement contaminé…

J’étais tellement emballé par sa proposition d’essai que je n’ai même pas mis un an à me décider ! Et, bien qu’il m’ait expliqué au moins une douzaine de fois que les chances de survie étaient extrêmement élevées, je dois avouer que c’est plein d’appréhension que je le retrouvais un beau matin sur mon bateau avec ses engins de torture.

Deux modèles sont au programme, le Dolphin de Drâger, et un Buddy Inspiration, deux modèles totalement différents dans leur philosophie et limites d’utilisation. Même si un rappel du principe du recycleur est nécessaire, mon but n’est pas ici de vous faire une présentation très poussée des systèmes de fonctionnement, les férus de technique à tout prix voudront bien m’en excuser.

Quel que soit le modèle, le principe de base est le même, c’est à dire le recyclage du mélange expiré dans un sac (faux poumon) et purifié au moyen d’une cartouche remplie de chaux. Sur les modèles « simples », type Dolphin, le fonctionnement est totalement mécanique avec un gaz conçu en surface, par opposition au Buddy avec « électronique embarquée » et confection du mélange par la machine, et sous l’eau.

Le dolphin : une petite bouteille de 4 ou 5 litres est remplie soit d’oxygène (rarement et pour les très faibles profondeurs) soit de nitrox. La bouteille est équipée d’un premier étage de détendeur, relié à un boîtier qui fait office de 2° étage et de système doseur sur lequel on peut changer les injecteurs (modèles de 32 à 80% en fonction de la teneur en oxygène du mélange choisi pour la profondeur souhaité). Le mélange est débité de manière continue dans un « sac inspiratoire » pouvant être assimilé au « poumons » du recycleur. Comme sur un Mistral, l’embout buccal comporte deux tuyaux annelés, un pour l’inspiration, équipé à sa base d’un « oxymétre » (sonde électronique, reliée par ondes à l’ordinateur de poignet et mesurant en permanence la teneur en oxygène du mélange inspiré), le deuxième pour l’expiration. Les deux tuyaux sont reliés pour former la boucle de respiration, composée d’un « poumon souple » , et d’une cartouche rigide contenant de la chaux, le tout étant muni d’une soupape de surpression. Cette soupape est un des éléments clef, car le mélange est fourni de manière continue via l’injecteur, ors, comme le volume total des deux « poumons » (recycleur et plongeur) doit rester constant, -le mélange expiré n’étant pas rejeté à l’extérieur de la boucle -, la soupape sert ici de régulateur du volume et du maintient des valeurs d’azote et d’oxygène dans le système.

Le principe est relativement simple : dès l’ouverture de la bouteille, le « poumon » du recycleur se remplit, le mélange est inspiré par le plongeur qui utilise une partie de l’oxygène nécessaire à sa vie et le restitue dégradé sous forme de CO2. Toute l’astuce est la : à l’expiration, ce mélange passe à travers la cartouche de chaux qui le débarrasse du gaz carbonique, il se retrouve alors dans le « poumon » du recycleur, mélangé au gaz « neuf » ré oxygéné débité par l’injecteur. L’arrivée du mélange étant constante, de petites bulles s’échappent constamment par la soupape de surpression et évacuent ainsi l’azote excédentaire.

Histoire de me mettre dans l’ambiance, les conseils de Pascal sont assortis de « avec un recycleur, on est à trois respirations d’un malaise… » ou, « après une centaine de plongées avec, on commence à être parfaitement à l’aise… c’est là que peuvent commencer les ennuis… ». Propos pas vraiment rassurants, mais posant bien le problème de la spécificité du produit, les accidents touchant d’ailleurs des plongeurs parfaitement surs et confirmés.

Même si, lors de cet essai, Pascal m’a vraiment simplifié la vie, la « check list » est une obligation systématique. Il n’est pas question, contrairement à la plongée bouteille classique (quoique…), de se mettre à l’eau sans une vérification poussée.

Première chose, renouveler la chaux, relativement simple, mais une inspection minutieuse des joints est nécessaire, puis, vérifier toutes les connections des sacs et tuyaux (ne pas oublier, bien sur la pression de la bouteille et la vérification de la correspondance entre l’injecteur de gaz et le mélange utilisé. En dernier lieux, vérifier l’étanchéité de l’ensemble en utilisant la mise à air libre de l’embout (bouteille fermée, une bonne inspiration, puis on ferme l’embout, les tuyaux annelés, déformés par la dépression, ne doivent pas se « regonfler ».)

Contrairement à une idée reçue, le recycleur, même avec une bouteille de 5 litres n’est pas particulièrement léger en surface, car on est obligé de le garnir d’environ 5 kilos de plombs pour compenser la flottabilité naturelle des sacs remplis de gaz. Il faut également compter avec un bloc de secours complètement indépendant de 2 L équipé d’un détendeur classique(merci Pascal, j’étais ainsi plus en confiance car au final c’est deux circuit « ouvert » qui était à ma disposition !…) C’est donc avec un harnachement tout à fait inhabituel (pour moi) que je m’immerge, après une dernière recommandation : surtout ne pas souffler par le nez, ce qui diminuerait le volume contenu dans le « poumon » du recycleur, et ne pas faire entrer de l’eau dans l’embout (eau qui ne fait pas bon ménage avec la chaux…)

Première impression surprenante : on respire du gaz chaud, totalement insolite pour moi, mais qui doit avoir son importance en cas de plongée en eau froide. Deuxième chose positive, pas de bulles dans la figure, mais là, les inconditionnels du Mistral ne seront pas dépaysés. Premier petit souci, j’avais prévu un peu trop de plombs et je touche du doigt l’absence de « poumons ballast » du recycleur, cet appareil ayant un volume de gaz à pression ambiante constant (mes poumons pouvant même être considérés comme faisant parti du recycleur), inutile de souffler pour descendre ou d’inspirer pour monter, l’effet sera quasiment nul et même semble inverse… l’inspiration est très agréable car sans effort de « décollage » propre à tout détendeur, mais l’expiration est surprenante de dureté, car il faut « gonfler » le sac à l’expiration en fonction de notre position dans l’eau. Après quelques minutes d’utilisation, l’aisance et la confiance viennent peu à peu et je commence à me sentir de plus en plus à l’aise. Je peux commencer à apprécier le plaisir de plonger quasiment sans bruit et sans bulles, seul un petit filet presque continu s’échappant du recycleur, la réaction des poissons étant à ce niveau surprenante car il ne semblent absolument pas dérangés par ce genre d’engin. La sensation de passer à travers un banc de poissons sans qu’ils s’enfuient de toute part est assez extraordinaire et devrait particulièrement plaire aux vidéastes et photographes. Après une heure de plongée environ (et une consommation d’environ 40 bars de nitrox du bloc de 5 litres !!!) il est temps de remonter à la surface… et d’avoir l’impression de se gonfler comme une baudruche, le mélange contenu dans le sac du recycleur se dilatant logiquement. La seule solution confortable est alors de souffler par le nez avant d attendre l’ouverture de la soupape de surpression vue précédement (surtout ne pas lâcher l’embout, ce qui ferait rentrer de l’eau dans le recycleur). Arrivé en surface d’abord fermer la bouteille de nitrox, puis fermer l’embout buccal.

Le Buddy Inspiration : on entre ici dans un tout autre domaine car contrairement au Dolphin, limité en profondeur par le mélange nitrox utilisé, le Buddy est un recycleur entièrement automatique géré électroniquement. Ici, pas d’injecteur débitant de manière continue un mélange nitrox plus ou moins enrichi en oxygène, mais tout un appareillage électronique gérant le mélange inspiré. Si le principe de base du recycleur, avec boucle respiratoire et cartouche de chaux est similaire au Dolphin, la gestion du mélange est totalement différente. Le buddy est équipé, sur la cartouche de chaux, de 3 sondes électroniques analysant le mélange inspiré. Pourquoi 3 sondes ? réponse de Pascal : les trois sondes fonctionnent en continu ; les résultats sont comparés et seuls les deux résultats les plus proches sont conservés pour piloter l’injecteur . La troisième sonde est là en secours pour prendre le relais d’une des deux autres (ah bon, ça tombe en panne ???). Les sondes sont reliés à deux ordinateurs identiques donnant chacun les 3 valeurs relevées par les sondes (pourquoi 2 … en cas d’arrêt volontaire ou non d’une console l’autre reprend immédiatement la main ). Le buddy est équipé de 2 blocs, un d’oxygène, un de « diluant » qui sera mélangé à l’oxygène (de l’air pour notre essai) et ou sert de circuit ouvert de secours ; En cas de besoin, toute la gestion du BUDDY peut se faire en procédure manuelle (KISS), mais c est une autre histoire !!!.

Contrairement au Dolphin, limité en profondeur par le mélange nitrox inspiré, le Buddy permet de descendre beaucoup plus bas (des records à plus de 200 mètres…). Sa gestion électronique permet de délivrer uniquement l’oxygène nécessaire, pour palier aux risques d’hyperoxie et suivant le gaz diluant utilisé, pas non plus de problèmes de narcose. On passe également dans un tout autre domaine au niveau de l’utilisation qui n’a absolument pas la simplicité de mise en marche du Dolphin (vous voyez, je commence même à penser que le recycleur peut être simple…). la gestion des ordinateurs n’est absolument pas évidente pour le néophyte, avec des validations successives en appuyant sur les différents boutons, véritable « check list » automatique. Le Buddy n’est d’ailleurs vendu qu’après validation d’un stage de formation par un centre agréé, ce qui me semble être une sage décision.

L’utilisation dans l’eau est relativement voisine, même si le Buddy est plus encombrant que le Dolphin, mais l’expiration semble beaucoup plus agréable (par la position des faux poumons). On perçoit nettement le déclenchement (rassurant) régulier du solénoïde commandant le débit d’oxygène. L’injection d’oxygène n’étant pas constante, l’évacuation est bulles est encore plus faible que sur le Dolphin, et l’approche des poissons encore plus sidérante. J’avoue avoir pris un plaisir incroyable à me déplacer à l’intérieur d’un immense banc de poissons que je pouvais quasiment prendre dans mes mains !!! les seuls êtres réellement surpris ou effrayés par le recycleur étant les autre plongeurs rencontrés…

Attention, mon expérience peut paraître extrêmement simple et à la porté de tous, mais c’est ce serait sans compter avec le parfait encadrement et les conseils de Pascal Chauvière, constamment à mes cotés lors de ces plongées et sans qui, je l’avoue, je n’aurais peut être jamais osé tenter cette expérience… Même si c’est un recycleur comme le Buddy est relativement facile d’emploi, une véritable formation est absolument indispensable à une utilisation avec un maximum de sécurité. Au niveau du Buddy, c’est réellement un cas particulier car destinés aux « fondus » de la profondeur ou aux plongeurs de l’extrême qui, de toute façon, même sans ce type d’appareil sont habitués à prendre des risques important en plongée. Le plus angoissant dans ce cas (le Buddy) est que les accidents n’arrivent bien évidemment qu’à des plongeurs parfaitement confirmés, parfaitement à l’aise, surs d’eux etc Mais il est tellement facile de penser que le problème vient d’abord du matériel avant de chercher du coté du plongeur qui l’utilise…

En conclusion, merci Pascal pour cette expérience extraordinaire, même si je ne pense pas que le recycleur soit l’avenir de la plongée loisir. Je pense, au contraire, que mettre en avant de tels appareils ne peut que dans l’esprit du non plongeur faire penser que la plongée, c’est pas pour eux, trop compliqué, trop technique. Je pense que pour son avenir, la plongée doit se tourner vers le loisir et la simplicité, vers le coté ludique et ouvert à tous, le recycleur, dans ce cas, étant destiné à une « élite » désirant « plonger autrement ». Je dois toutefois avouer que cette expérience ne restera pas, pour moi, sans lendemain, et que d’autres plongées avec le Dolphin devraient bientôt se mètrent en place, le virus est peut être dans la phase d’incubation …

Patrice Vogel